François Berléand : « On peut dire que cette œuvre de Rodin m’a vraiment ouvert les yeux »


« J’hésite. La découverte, à l’âge de seize ans, du tableau Les Sept Péchés capitaux et les Quatre Dernières Étapes humaines (v. 1500) de Jérôme Bosch (v. 1450–1516) au musée du Prado, à Madrid, m’a profondément marqué. J’ai reçu une éducation religieuse. Cette représentation picturale de l’enfer, du jugement dernier m’a donc semblé moins angoissante que l’idée que je pouvais me faire de la mort…

Je ne saurais non plus vous répondre Beaubourg, que certains considèrent comme un chef-d’œuvre d’architecture, parce que je jugeais, comme beaucoup d’autres au moment de son inauguration (1977), le projet d’une laideur sans nom. Il aura fallu que j’y passe deux nuits, dans le cadre d’un tournage, que je voie l’envers du décor, pour changer d’avis. Je suis passionné d’art moderne et contemporain. Avoir les collections du musée pour moi tout seul demeure un rêve que je ne suis pas près d’oublier.

Auguste Rodin, Jean d’Aire

Auguste Rodin, Jean d’Aire, 1895

i

Sculpture • 205,7 × 71,1 × 61 cm • Dallas Museum of Art, Texas • © Louie © Bromberg / Mina Bromberg / Essie Bromberg Joseph / Bridgeman Images

Non, l’œuvre qui a véritablement changé ma vie, c’est une statue de Jean d’Aire, l’un des six Bourgeois de Calais sacrifié par le roi d’Angleterre Édouard III en 1347. J’avais huit-neuf ans. Je me promenais dans les jardins du musée Rodin avec ma grand-mère, d’origine russe, pleine de principes, quand je suis tombé « nez à nez » avec ce nu à l’intimidante musculature. À l’époque, j’étais extrêmement complexé par mon physique, et plus particulièrement par la taille de mon sexe, en développement. J’avais un an de moins que mes camarades de classe. Impossible d’en parler à mon grand frère, à mes proches, trop pudiques. On n’abordait pas ce genre de sujet dans ma famille. De voir un homme de cette carrure, muni d’un membre aussi petit, m’a rassuré. On peut donc dire que cette œuvre m’a vraiment ouvert les yeux. »



Source link