ENR, services environnementaux… – Faut-il revoir la définition de l’activité agricole dans le droit rural ?


Face aux nouveaux défis auxquels les agriculteurs doivent faire face en matière de transition agroécologique, de valorisation, de communication avec la société, l’actuelle définition de l’activité agricole dans le droit rural apparaît limitée. Est-il possible de revoir celle-ci pour rendre plus visibles la diversification et les services environnementaux rendus par les agriculteurs, et plus globalement redonner une place plus centrale à l’agriculture dans la société actuelle ?

Établie par l’article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime, la définition juridique de l’activité agricole rend imparfaitement compte de l’ensemble des activités économiques que peut aujourd’hui effectuer un agriculteur. « Le texte est devenu un mastodonte, et alors que le nombre d’agriculteurs n’a jamais été aussi faible, la notion d’activité agricole n’a paradoxalement jamais été aussi large dans notre droit positif » a expliqué ainsi Hubert Bosse-Platière, professeur de droit rural à l’université de Bourgogne, à l’occasion d’un webinaire organisé par Agreenium, le 25 mai. 

Le texte actuel définit l’activité agricole par trois entrées : activité par nature, à travers trois critères cumulatifs (maîtrise et exploitation d’un cycle biologique, caractère végétal ou animal de l’exploitation, activité qui constitue une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle biologique), activités par relation, à savoir les activités qui sont dans le prolongement de l’acte de production, ou qui ont pour support l’exploitation (par exemple la transformation, la commercialisation, l’œnotourisme…), et enfin les activités déterminées par la loi, rattachées après coup à cette définition (culture marine, déneigement des routes, certaines activités équestres, marais salants…).

Mieux prendre en compte toutes les activités

Aujourd’hui cette définition pose des difficultés techniques, par exemple en ce qui concerne la vente d’énergies renouvelables grâce à des panneaux photovoltaïques installés sur les bâtiments agricoles, le travail à façon réalisé par un agriculteur pour un voisin, ou les revenus pour services environnementaux. Une révision de cet article L. 311-1 permettrait de réaffirmer les particularités de l’agriculture traditionnelle, tout en reconnaissant le caractère multifonctionnel de l’agriculture. Néanmoins, cet élargissement nécessaire de la définition pose une difficulté liée au principe de non-discrimination, qui demande à ce que les individus qui se trouvent dans des situations similaires soient traités de manière similaire, avec un risque d’abus de droit ou de fraude. Pour y remédier, Hubert Bosse-Platière propose l’utilisation du registre des actifs agricoles, un registre qui existe mais qui pourrait être rendu plus opérationnel en triant en amont ceux qui exercent une activité agricole par nature, et les autres.  

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Une nouvelle définition pourrait ainsi être proposée pour prendre en compte ces différentes considérations :

« Sont réputées agricoles :

Toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle, ainsi que les activités se situant dans le prolongement de l’acte de production.

Les activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l’exclusion des activités de spectacle.

Les activités économiques qui ont pour support économique ou physique une exploitation au sens des alinéas précédents, réalisées directement ou sous-traitées, à condition d’être réalisées :

-soit par une personne physique inscrite au registre des actifs agricoles ;

-soit par une personne morale dont le dirigeant est inscrit audit registre.

Les activités de cultures marines et d’exploitation de marais salants.

Replacer l’agriculture comme une activité centrale

Au-delà de la qualification, qui permet de déterminer quel est le droit applicable en fonction de l’activité exercée, « le droit propose via cette définition des représentations, des modèles qui permettent de s’accorder sur façon de vivre ensemble. Il s’agit, pour les agriculteurs, de leur accorder une place, un statut social » et, plus largement, de contribuer au pacte social qui relie l’agriculture à la société, explique Hubert Bosse-Platière.

Du point de vue de cette fonction anthropologique du droit, la nouvelle définition permet ainsi de replacer l’agriculteur comme acteur de la transition agroécologique, reconnaître la place centrale occupée par l’agriculture dans notre société, et l’on peut également espérer qu’elle irriguerait l’interprétation donnée de l’activité agricole dans les droits non civils (urbanisme et fiscal notamment), explique le professeur de droit, tout en précisant qu’il faudra nécessairement affiner, au préalable, les questions liées aux conditions d’éligibilité sur le registre.

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Attention, cependant, à ne pas trop demander à cette définition, nuance de son côté Raphaèle-Jeanne Aubin-Brouté, maître de conférence en droit privé à l’Université de Poitiers. Les juristes savent bien que cette définition doit être simplifiée, car elle est à l’origine de difficultés techniques, mais si pour les non juristes « il manque du symbole, des liens fonctionnels avec les ressources communes, la vocation nourricière », ce n’est pas le rôle de cette définition. Cette dernière doit simplement être opératoire. La prise en compte de la dimension symbolique existe déjà, précise-t-elle, dans code rural, enrichi d’un livre préliminaire par la loi d’avenir de 2014, et qui reconnaît l’intérêt général de l’agriculture.  



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