Dans les Pyrénées-Orientales – Nectarines sacrifiées et abricots invendables à cause de la sécheresse


La sécheresse chronique dans les Pyrénées-Orientales, territoire aux nombreuses exploitations arboricoles, conduit déjà au sacrifice d’une partie des récoltes, de nectarines par exemple, tandis que dans les coins les plus arides, les abricots, privés d’eau, tombent des branches et sèchent au soleil.

Le regard inquiet, Cédric Sabaté arpente ses vergers. Séparés par une haute barrière de peupliers, il y a d’un côté des arbres feuillus aux branches plus nombreuses, de l’autre, des plantes plus chétives, comme amaigries. « On a enlevé une branche sur deux, vous aviez normalement le double de branches fruitières comme celles-ci », explique l’arboriculteur de 43 ans en comparant les deux parcelles.

Sur le deuxième verger, il fallait couper « pour décharger les arbres rapidement afin qu’ils puissent supporter le manque d’eau », dit-il, décrivant « un verger au potentiel de production divisé par deux ». L’objectif, c’est « d’ essayer d’avoir 50 % de production que l’on pourra commercialiser plutôt que 100 % de rien du tout », résume M. Sabaté qui, installé depuis 2001, n’avait jamais eu à prendre ce type de décision.

Son exploitation de 100 hectares (70 de nectarines et pêches, 20 de pommes, 6 de poires et 4 d’abricots) que géraient avant lui son père et son grand-père, est située à Thuir, l’une des 171 communes sur les 226 du département à avoir basculé en situation de « crise sécheresse », le plus haut niveau d’alerte, depuis le 10 mai.

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« Détresses psychologiques »

Les irrigations sont réglementairement réduites de 50 % voire plus en réalité, tant la ressource est faible: habituellement, les agriculteurs profitent d’un réseau de canaux alimenté par le fleuve Têt mais, cette année, le barrage de Vinça qui l’alimente est au plus bas.

« On n’est pas encore dans les détresses psychologiques mais on va y arriver dans très peu de temps parce qu’on est (actuellement) sur les pics de consommation des arbres, là il faut faire grossir les fruits, or un fruit c’est 98 % d’eau, il y a pas de secret », souligne M. Sabaté.

A une vingtaine de kilomètres de là, dans le bassin totalement asséché de l’Agly, l’autre grand cours d’eau de la zone, la détresse est déjà là. « Ça vaut rien, ça vaut plus rien ». Guy Banyuls, 40 ans, et sa femme Marjorie, 36, regardent tristement leurs abricotiers balayés par une violente Tramontane, tout près du petit village d’Espira-de-l’Agly et de son clocher du XIIe siècle, en contre-jour sous le soleil ardent.

Sur les dix hectares qu’ils possèdent, il y aura « 90 % de pertes », estiment-ils au milieu d’un paysage d’arbres desséchés, de rocailles et de terres craquelées.

Au mieux, certains fruits affichent leur belle couleur rouge-orangée mais, faute d’eau, ils sont déjà tombés au sol avec un calibre « même pas récoltable » car pas commercialisable. Au pire, ils sèchent sur pied, minuscules, « flétris, tout secs », décrit, désabusé, M. Banyuls. Déjà des arbres meurent, poursuit-il. Et à terme, ce sont ses dix hectares, soit environ 5 000 arbres qui pourraient y passer cet été.

« En plein doute »

« Là, on est dans une situation où on se demande si on a vraiment un avenir là-dedans… on est en plein doute », explique sa femme qui, cette année, ne veut même plus emmener ses enfants de 6 et 9 ans dans leurs champs désolés, eux qui aiment habituellement tant s’y promener. « On sait pas ce qu’on veut faire et surtout ce qu’on pourra faire », complète son mari.

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Le couple qui a reçu le 10 mai sur son exploitation le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, compte à présent sur des « mesures compensatoires qui soient financièrement à la hauteur de nos pertes ». « On ne peut espérer que ça pour pouvoir rebondir », dit M. Banyuls.

A la chambre d’agriculture du département, on entend bien veiller à ce que les préjudices soient rapidement évalués. Dès mercredi, « on commence à tourner avec la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) pour leur faire constater le type de sinistres, les dégâts, pertes de récoltes ou de fonds dans les différentes filières (…) pour déclencher le dispositif de solidarité nationale », a expliqué à l’AFP Eric Hostalnou, chef du service fruits et légumes à la chambre. Selon un tableau publié mardi sur son site, elle évalue les pertes économiques liées à la sécheresse entre 366 et 754 millions d’euros.





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