Changement climatique – Hausse des températures, déficit de pluie : quels impacts sur les colzas ?


Des printemps et étés secs, des automnes et hivers plus doux… Depuis trente ans, le réchauffement climatique a déjà fortement impacté la culture du colza en France, notamment lors de son implantation. Aurore Baillet de Terres Inovia revient sur ces évolutions et leur impact sur la culture et propose des pistes d’adaptation à cette nouvelle donne climatique.

« Le point de rupture dans l’augmentation des rendements du colza en France correspond à l’élévation des températures moyennes », soit à la fin des années 1980, a expliqué Aurore Baillet, ingénieur de développement chez Terres Inovia, lors d’un webinaire consacré aux impacts du changement climatique sur cette culture. Cela fait donc déjà 30 ans que le colza subit les effets de ces modifications du climat et notamment la hausse des températures et le déficit de pluie au printemps et en été.

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Le déficit de pluie, très impactant au moment de la floraison

La première fragilité du colza face au changement climatique réside en effet dans la diminution voire l’absence de précipitations au moment de son implantation. Lors de la dernière décennie, cela s’est produit à cinq reprises (2013, 2016, 2018, 2019, 2020) compliquant la préparation des sols et la levée des colzas.

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Face à cette réalité, Terres Inovia a revu ses recommandations et préconise désormais de préparer ses terres dès la récolte du précédent, de limiter l’assèchement du sol par des passages successifs et d’être prêt à semer tôt, de façon opportuniste, en fonction des prévisions de pluie.

Les sécheresses printanières peuvent également impacter négativement le développement du colza puisqu’il va moins valoriser les engrais azotés et soufrés ce qui implique une croissance ralentie. La qualité d’enracinement est essentielle pour faire face à ces situations météorologiques. Les colzas associés et des formes d’engrais moins sensibles à la volatilisation sont d’autres pistes d’adaptation à court terme évoquées par Aurore Baillet.

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Mais cette dernière se veut néanmoins rassurante : « Le colza supporte relativement bien un stress hydrique modéré, il a une bonne capacité d’adaptation physiologique et va chercher les ressources en profondeur ». Sa plus forte sensibilité au stress hydrique correspond au début de la floraison et jusqu’à G4 + 10 jours, avec un impact possible sur le nombre de grains et le PMG. Et dans cette situation, il y a « peu de leviers à actionner à court terme hormis la qualité d’enracinement encore une fois, la précocité variétale, voire l’irrigation dans les exploitations équipées ». Et de préciser : « En cas de stress hydrique très marqué à début floraison, en apportant 100 mm d’eau, on peut gagner 8 à 10 quintaux/ha » selon des essais irrigation menés par Terres Inovia.

La hausse des températures, un impact sur le remplissage des grains et les rendements

Autre tendance de fond observée ces dernières années : l’élévation des températures. En 45 ans, les températures à l’automne ont augmenté de 2°C. Ce qui a plutôt un effet positif pour les colzas : leur croissance aérienne et racinaire est favorisée ce qui permet des colzas robustes à l’automne, même si cela s’accompagne du développement des larves d’altises.

Les températures plus douces pendant l’hiver n’entravent pas sa capacité à fleurir puisque la vernalisation, qui nécessite l’accumulation de températures inférieures à 17 °C, n’est pas impactée. Si le risque de gel hivernal diminue, des dégâts de gel peuvent tout de même survenir après une période douce. Le colza peut certes résister à des températures froides (- 15 degrés), mais il doit s’y acclimater de façon progressive.

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L’impact de l’élévation des températures se manifeste surtout par une précocification de la reprise des colzas. « En 10 ans, le stade D1 (apparition des boutons floraux cachés dans les dernières feuilles) a été avancé de 10 à 20 jours selon les régions », explique Aurore Baillet. Cela a pour conséquence une plus grande sensibilité de la culture aux gelées tardives et une exposition plus précoce aux charançons de la tige et aux méligèthes.

Si la hausse des températures n’a pas d’impact sur la formation des grains, elle en a en revanche sur leur remplissage car elle diminue l’efficacité de la photosynthèse. Les températures au-delà des 29°C sont stressantes pour la culture, elles réduisent le nombre de fleurs et le rendement en graines du colza. « De nombreux chercheurs pensent que l’élévation des températures est responsable du plafonnement des rendements en colza, explique Aurore Baillet. Sur la période du 10 mai au 10 juillet, qui correspond au remplissage des grains, la perte de rendement due à l’augmentation de la température moyenne est estimée à 2 quintaux/degré. Or depuis 45 ans, quelles que soient les régions observées (Centre, Midi-Pyrénées, Lorraine, Normandie), on constate une hausse d’environ 2 à 2,5 °C, soit 4 à 5 quintaux de potentiel de rendement en moins ». Le changement climatique modifie aussi la qualité des grains (moins d’oméga-3, augmentation de la teneur en acide oléique, baisse des protéines).

Si le déficit hydrique et la hausse des températures sont les deux impacts majeurs du changement climatique sur le colza, il ne faut pas oublier la survenue d’évènements climatiques extrêmes comme le gel printanier, l’excès d’eau en hiver, la grêle à l’automne, la neige au printemps.

Et niveau maladies et insectes ?

Concernant l’impact du changement climatique sur les bio-agresseurs, Terres Inovia se veut prudent au regard des connaissances actuelles. Il semble qu’en France, les automnes chauds et secs retardent les premières contaminations au phoma autrement dit la date d’apparition des macules. Pour le sclérotinia, il y a peu d’évolution attendue. En revanche, la hausse des températures augmenterait en France le risque de verticilliose et d’alternaria.

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Coté insectes, ils sont clairement favorisés par l’élévation des températures. Les automnes et hivers plus doux sont propices à des périodes d’activité plus longues des ravageurs comme les grosses altises ou les charançons du bourgeon terminal et à l’accélération des stades de développement. Depuis les années 2000, le stade larvaire de la grosse altise arrive en décembre (alors que c’était au printemps dans les années 1990) et est donc plus nuisible pour les colzas qui n’ont pas encore redémarré. À noter aussi, une explosion des populations de charançons de la tige du chou.

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Pour conclure, Aurore Baillet explique : « Nous misons beaucoup sur l’amélioration variétale pour adapter le colza aux évolutions climatiques. Nous testons aussi chez Terres Inovia des scénarios de rupture comme des colzas d’hiver et de printemps semés à l’automne. ». 



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