Ce que vous ne saviez (peut-être) pas sur Turner


1. Il est d’abord un peintre académique 

Révolutionnaire, abstraite, impressionniste avant l’heure : la peinture de Turner n’a a priori rien d’académique ! Pourtant, la question mérite d’être posée : avant d’être ce génie romantique, le peintre se forme à la Royal Academy de Londres dès l’âge de 14 ans en 1789, où il étudie d’après l’antique et le modèle vivant selon la tradition instaurée par Sir Joshua Reynolds. Dans les années 1790, le jeune prodige se fait remarquer par ses envois annuels à l’exposition de l’institution. Reconnu par ses pairs, il y obtient un siège permanent en 1802. C’est en grande partie grâce à ce succès – académique donc – que Turner put vivre de son art et par la suite affirmer son indépendance.

Joseph Mallord William Turner, à gauche : « Autoportrait » (1799) ; à droite : « Tintern Abbey, la croisée du transept et le chancel, vue depuis la baie Est » (1794)

Joseph Mallord William Turner, à gauche : « Autoportrait » (1799) ; à droite : « Tintern Abbey, la croisée du transept et le chancel, vue depuis la baie Est » (1794)

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Tate Gallery, Londres • © Photo Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography / © Photo Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography

2. La perspective n’avait aucun secret pour lui !

Avant-même la Royal Academy, Turner s’est formé auprès de l’architecte Thomas Hardwick et du topographe Thomas Malton Junior, son « vrai maître ». Autant dire que la perspective, linéaire comme atmosphérique, n’a pas de secret pour lui ! En 1807, il occupe d’ailleurs le poste de professeur de perspective au sein de l’institution. C’est dans ce cadre qu’il réalise une série de 170 diagrammes érudits entre 1809 et 1828, ressemblant à une ébauche de traité. Au sujet de Pluie, vapeur et vitesse (1844), l’une des œuvres les plus emblématiques du peintre où un chemin de fer vient percer un chaos de nuages, l’historien de l’art Hubert Damisch écrit que « sous la fumée des locomotives, c’est la ligne qui reste prévalente ».

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Joseph Mallord William Turner, Pluie, vapeur et vitesse, The Great Western Railway

Joseph Mallord William Turner, Pluie, vapeur et vitesse, The Great Western Railway, 1844

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Huile sur toile • 91 × 121,8 cm • Tate Gallery, Londres • © Bridgeman images

3. Il a ouvert sa propre galerie à moins de 30 ans

Turner comprend très tôt l’intérêt de rassembler ses œuvres en un lieu et ouvre sa galerie en 1804, au premier étage de sa maison du 64 Harley Street. Les mécènes et admirateurs s’y pressent, si bien que l’artiste doit bientôt en agrandir l’espace. L’accrochage est aléatoire, surchargé, les œuvres conservées dans des conditions déplorables… Ce que John Ruskin, pourtant premier défenseur de Turner, juge « inexcusable ». La Turner’s Gallery illustre quoiqu’il en soit le soin accordé par le peintre à sa postérité. Dans son testament, il lègue l’ensemble de ses créations à la nation britannique à condition qu’elles restent rassemblées, comme c’est le cas aujourd’hui à la Tate Britain.

George Jones, Intérieur de la galerie Turner

George Jones, Intérieur de la galerie Turner, XIXe siècle

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Huile sur panneau de moulin • 14 × 23 cm • shmolean Museum, The University of Oxford • © Bridgeman images

4. Pour son art, il a navigué en pleine tempête !

Pourquoi Tempête de neige en mer est-il si terrifiant ? Pourquoi le spectateur est à ce point immergé dans le vortex de la toile ? Peut-être tout simplement parce que son auteur avait lui-même vécu un tel événement… En février 1841, Turner embarque sur un vapeur au port d’Harwick. La nuit promet d’être agitée. Quand la tempête éclate, l’équipage se réfugie mais le peintre, qui ne souhaite pas perdre une miette du spectacle, insiste pour qu’on le ligote au mat, tel Ulysse affrontant le chant des sirènes. En bon communicant, l’artiste ne manque pas d’indiquer les détails de cette sortie en mer dans la notice du tableau lors de son exposition à la Royal Academy en 1842.

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Joseph Mallord William Turner, Tempête de neige en mer (Steam-Boat off a Harnour’s Mouth)

Joseph Mallord William Turner, Tempête de neige en mer (Steam-Boat off a Harnour’s Mouth), 1842

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Huile sur toile • 91,4 × 121,9 cm • Tate Gallery, Londres • © Photo Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography

5. C’était un militant contre l’esclavage

Les peintres de paysage aussi font de la politique ! L’Incendie du Parlement (1834) reflète, au-delà de la fascination de Turner pour le feu, son engagement en faveur du parlementarisme. Le peintre compte plusieurs libéraux parmi ses mécènes, à commencer par Walter Ramsden Fawkes avec qui, en 1832, il défend le Reform Act, pour élargir le corps électoral. Peint en 1840, Le Négrier est l’œuvre la plus emblématique de l’engagement politique du peintre romantique. La toile s’inspire de l’horreur du Zong : le capitaine avait fait jeter 133 esclaves par-dessus bord en 1781 afin de toucher une compensation de la part de l’assurance. L’œuvre, peinte sept ans après la fin de l’esclavagisme dans l’empire britannique, est un manifeste pour l’abolition universelle de l’esclavage.

Joseph Mallord William Turner, Le Négrier (Négriers jetant par-dessus bord les morts et les mourants – un typhon approche)

Joseph Mallord William Turner, Le Négrier (Négriers jetant par-dessus bord les morts et les mourants – un typhon approche), 1840

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Huile sur toile • 90,8 × 122,6 cm • Museum of fine arts, Boston • © Museum of fine arts, Boston

6. Il a réalisé des dessins pornographiques qu’on a longtemps cru détruits

Gestionnaire de la mémoire de Turner, l’écrivain John Ruskin est stupéfait lorsqu’en 1857 il ouvre un carton interdit, comprenant des esquisses de sexes de femmes, coïts et autres scènes érotiques. Voici sa terrible décision telle qu’il la relate en 1888 : « Sur-le-champ, je mis au feu ces centaines d’esquisses et de peintures crapuleuses… ». Comment ce fervent défenseur du patrimoine et de la conservation put-il se commettre coupable d’un tel crime ? Que l’on se rassure, il n’en fut pas capable. Coup de théâtre en 2003 ! 108 dessins sont retrouvés dans les réserves de la Tate Britain, avec cette note de Ruskin : « Gardés uniquement comme preuve d’un esprit égaré. » Nous avons eu chaud !

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Joseph Mallord William Turner, Étude de scènes érotiques

Joseph Mallord William Turner, Étude de scènes érotiques, vers 1805–1815

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Crayon et lavis sur papier • 27,4 × 37,5 cm • Tate Gallery, Londres • © Photo Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / Tate Photography

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Turner – Peintures et aquarelles de la Tate

Du 13 mars 2020 au 20 juillet 2020
En provenance de la Tate Britain, une soixantaine d’aquarelles et une dizaine de peintures à l’huile – œuvres achevées, ébauches ou esquisses jalousement gardées par l’artiste dans le secret de son atelier et léguées à sa mort à la nation britannique – racontent l’itinéraire du peintre, depuis ses débuts de jeune topographe appliqué jusqu’aux folles innovations des dernières années.

www.musee-jacquemart-andre.com

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Visite virtuelle à 360° de “Turner, peintures et aquarelles. Collections de la Tate” :



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