Angela Merkel fait ses adieux à une Europe fracturée


La chancelière a reçu une standing ovation vendredi pour son 107e Conseil européen.

Correspondante à Bruxelles

Angela Merkel a tourné vendredi une page importante de sa carrière politique. Elle participait, à Bruxelles, à ce qui devrait être son dernier sommet européen, le 107e depuis 2005. Alors que les négociations s’accélèrent en Allemagne autour du social-démocrate Olaf Scholz et que la prochaine réunion des Vingt-Sept est programmée peu avant Noël, il fallait lui rendre hommage. Le président du Conseil européen, ­Charles Michel, l’a fait vendredi matin.

Les réunions des Vingt-Sept « sans Angela, c’est Rome sans le Vatican, Paris sans la tour Eiffel », a-t-il affirmé. À la surprise générale, Charles Michel a ensuite fait diffuser un message de l’ancien président des États-Unis, Barack Obama. Louant le « sens de l’humour », « le pragmatisme sage » et « la boussole morale constante » de la chancelière, celui-ci s’est dit « heureux d’être devenu votre ami ». Chaudement applaudie par les Vingt-Sept, visiblement émue, la chancelière a affirmé éprouver « un sentiment étrange ». « Cela a toujours été très créatif », a ajouté dans sa courte allocution celle qui n’aime rien de plus que ces compromis de la dernière heure dont elle a été si souvent l’artisan en Europe, notamment en juillet 2020, sur le plan de relance européen.

Modèle du genre

Les adieux de Merkel sont pourtant amers. Car c’est une Europe fissurée et fragilisée par la crise sanitaire qu’elle laisse derrière elle. « Je quitte maintenant cette Union (…) dans une situation qui m’inquiète », a-t-elle déclaré, parlant d’« une série de problèmes non résolus ». Ce dernier sommet portait sur certains d’entre eux. L’envolée des prix de l’énergie ? Les quatre heures d’échanges ont à nouveau révélé les divisions entre les pays plaidant en faveur d’une réforme du marché de l’électricité – la France en tête – et ceux qui redoutent les effets de telles réformes sur ce marché, comme l’Allemagne et les Pays-Bas. Bon point pour la France, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen a affirmé que l’UE, avait besoin au-delà des renouvelables, « de source d’énergie stable : le nucléaire et, pendant une période de transition, bien entendu, le gaz ».

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La migration ? Cinq ans après la crise de 2015-2016 et plus d’un an après la présentation du pacte migratoire par la Commission, l’UE semble toujours presque aussi divisée alors que les arrivées à ses frontières extérieures repartent à la hausse et que la Biélorussie instrumentalise les migrants pour faire pression. Ces débats interminables sont habituels en Europe. Plus encore quand les dirigeants ont à cœur de montrer à leurs opinions publiques à quel point ils se battent pour défendre leurs intérêts. La chancelière en a plaisanté vendredi, soulignant que ses collègues avaient fait beaucoup d’efforts pour que son dernier Conseil européen « soit long ».

Mais c’est surtout la Pologne qui inquiète Merkel, ce voisin et partenaire important de l’Allemagne, qu’elle voit s’éloigner des valeurs européennes en malmenant l’État de droit. « Je crois, confie un diplomate, qu’elle éprouve de la tristesse. » Comme elle l’a fait si souvent, la chancelière a tenté de rassembler les uns et les autres en appelant ses homologues à ne pas partir dans une escalade de sanctions contre Varsovie. « C’est un peu comme si elle disait : “Ne faisons rien !” », s’agaçait jeudi soir une source européenne. « Elle mesure parfaitement la gravité de la situation et les risques pour l’UE. Et elle veut éviter cela. C’est une femme de l’Est. C’est aussi son dernier sommet et elle est devenue chancelière au moment où la Pologne rejoignait l’UE », rectifiait dans la foulée un diplomate.
Parmi les Vingt-Sept, beaucoup l’ont parfois critiquée, la jugeant bien trop prudente. Ils étaient nombreux vendredi à faire état du vide qu’elle va laisser. Angela Merkel « a aidé à prendre des décisions avec beaucoup d’humanité à des moments difficiles », soulignait le Belge Alexander de Croo. Son départ va forcément rebattre les cartes, modifier des équilibres. Mais, comme le souligne un diplomate, « les clubs se réorganisent toujours ».

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