Alternatives aux NNI sur betteraves – « Pas de solution miracle, mais la génétique parmi les leviers majeurs »


Le 30 août dernier, étaient réunis les différents acteurs de la filière betterave-sucre à l’échelon européen pour le symposium jaunisse 2022, organisé par le groupe Deleplanque. L’occasion de faire le point sur les dernières avancées de la recherche à ce sujet.

Quelles sont les solutions possibles pour lutter contre la jaunisse de la betterave à horizon 2023-2024 ? Telle était la question posée aux différents interlocuteurs de ce symposium jaunisse 2022. Pour Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture au sein de l’Inrae, il n’y existe « pas de solution miracle, mais plutôt une combinaison de solutions » à mettre en œuvre. 

Une approche différente

Le scientifique a d’ailleurs profité du symposium pour rappeler la mobilisation entière de la filière betterave-sucre à ce sujet, via notamment le Plan national de recherche et innovation (PNRI) lancé en janvier 2021. « La maîtrise de la jaunisse sur betterave constitue un défi majeur pour la recherche, les entreprises semencières, les agriculteurs et les sucreries. »

« Elle induit aujourd’hui des changements inédits dans les approches, alors que la protection était assurée depuis 1993 par l’utilisation en traitement de semences des néonicotinoïdes, insecticides systémiques à longue rémanence et ayant un impact non soutenable sur les insectes et la biodiversité. L’imidaclopride dispose d’une demi-vie de 227 jours, c’est-à-dire qu’au bout de cette durée, 50 % de la matière active est encore présente dans le milieu… »

Parmi les solutions alternatives retenues, Christian Huyghe cite notamment « le levier prophylactique : il faut chercher à limiter les réservoirs virulifères à proximité des zones betteravières ». Se pose, par exemple, la question « des productions de semences sympatriques* de betteraves sucrières ou des champs de colza à proximité ».

Avec des variétés identifiées

Le levier variétal est également très attendu, comme le souligne Vincent Laudinat, directeur de l’Institut technique de la betterave (ITB). Avec « des résistances aux différents virus de la jaunisse, si possible, polygéniques », précise Christian Huyghe. Sur ce point, Éric Verjux, président du groupe Deleplanque, a confié, lors de cette journée, son optimisme. 

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Bien que la sélection variétale nécessite près de 10 ans, les équipes ont pu réactiver des travaux passés sur la tolérance à la jaunisse. « En 2015, nous en faisions notre stratégie de recherche prioritaire en plus de la forte pression rhizomanie, des maladies du feuillage comme la cercosporiose et des nématodes », indique Dr Axel Schechert, directeur de la sélection betterave à sucre chez Strube Research en Allemagne.  

Ces travaux et le projet Modefy, démarré en 2019, ont permis « d’identifier certaines variétés tolérantes à la jaunisse, avec un potentiel de rendement tout à fait intéressant ». Selon les essais réalisés par les équipes, « ces hybrides limitent la perte de rendement à 15 % maximum en conditions d’inoculation réalisée (essais), ce qui représente une baisse d’environ 10 % maximum en conditions naturelles d’infestation ».

« Le PNRI ayant permis d’accélérer le « screening » des variétés », les équipes Strube-Deleplanque se disent alors en mesure de « proposer des variétés tolérantes à la jaunisse pour les prochaines campagnes ». « 3 variétés hybrides sont actuellement en cours de 2e année d’inscription en Allemagne, Suisse et France, et pourraient être disponibles pour les semis 2023. Nous avons également 7 variétés en 1ère année d’inscription dans plusieurs pays d’Europe », présente Dr Axel Schechert.

Concernant ces dernières variétés, le semencier est d’ailleurs « en discussion avec le CTPS (Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées) pour obtenir une inscription dérogatoire en un an, au lieu de deux. Ce qui permettrait de les rendre disponibles pour les agriculteurs dès les semis 2024 (voire une partie dès les semis 2023) ». 

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Mais aussi des plantes compagnes, des kairomones, des phéromones…

Concernant le levier variétal, l’Inrae évoque aussi les  mélanges variétaux. Les équipes Deleplanque sont « plutôt contre, par principe et par habitude (hauteur de récolte différente, sensibilité aux maladies, etc.). Mais il faut vivre avec son temps et les mélanges variétaux peuvent constituer une solution d’urgence pour répondre à la problématique jaunisse, précisent-elles. Pour le moment, il n’existe de « variété parfaite », tolérante aux 4 virus. Mais nous sommes à ce jour, encore en phase de caractérisation de chaque variété ». À suivre donc ! 

Différents acteurs étudient également le levier agronomique, avec la mobilisation des plantes compagnes par exemple, qui vont comme pour le colza, venir perturber le cycle des ravageurs, en l’occurrence pour la betterave, le puceron, afin de « réduire et retarder la pression virale ». Parmi les différents essais réalisés, « l’avoine rude semble donner de bons résultats. Reste encore à identifier les dates de semis et de destruction optimales ». 

Autre levier cité : le biocontrôle. Pour le moment, l’Inrae n’a pas trouvé de biocide efficace contre les pucerons et mise plutôt sur « l’utilisation de kairomones pour repousser les pucerons et de phéromones pour attirer les auxiliaires ». À noter que ces solutions nécessitent « d’avoir de bons modèles de prédiction concernant l’arrivée des pucerons », ajoute Christian Huyghe. L’Institut britannique de recherche sur la betterave (BBRO) travaille sur ce sujet : « dès mars, il est possible de donner une estimation de leur date d’arrivée en fonction des températures des mois de janvier et février », indique Mark Stevens, son directeur scientifique. « Une différence d’1°C peut entraîner une avance de migration des pucerons de 12 jours ». 

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Faisabilité technique et viabilité économique 

« Du biocontrôle au renouvellement des itinéraires techniques ou à la reconception paysagère de nos territoires agricoles », si toutes ces solutions ne peuvent pas forcément être envisagées à court terme, Vincent Laudinat insiste, pour chacune, « sur les essais réalisés en conditions réelles de culture via le PNRI et ses 60 fermes pilotes d’expérimentation ». « Ainsi sont prises en compte la faisabilité de leurs déploiements techniques par les agriculteurs ainsi leur viabilité économique ». 

Derrière le levier économique, les acteurs étudient alors « les démarches assurantielles qui pourraient également être proposées aux agriculteurs, sur la base d’une estimation des coûts des leviers mis en place et d’une évaluation des risques lors d’années très défavorables », ajoute Chrisitian Huyghe. « Dès 2024, différents leviers  seront disponibles et enrichis au cours des années suivantes. Ils définissent un paysage nouveau, reposant sur des combinaisons que chaque exploitation pourra composer en fonction de ses conditions propres ».

*Sympatrique : « Se dit d’espèces voisines vivant dans la même région mais ne s’hybridant pas. »





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