Aigrettes, bandeaux et brassards : la grande tendance islamique


Cartier New York, Ornement de tête

Cartier New York, Ornement de tête, vers 1924

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Platine, or, diamants, plumes • 17 × 14 cm • Collection Cartier • © Marian Gérard / Cartier

Sur fond de jazz, lancés dans un charleston endiablé, le monde d’après-guerre danse. Dans les Années folles, la bonne société est à la fête et, dans les cocktails, les fortunes industrielles se divertissent en compagnie d’écrivains et d’artistes. En robes du soir, les femmes émancipées arborent de longs sautoirs. Leurs cheveux sont coupés « à la garçonne » ou bien tirés en chignon car il s’agit d’y faire tenir un bijou de tête : impossible de sortir sans ce must ! Moins formels que les diadèmes qui renvoient à la royauté ou les empires, les bandeaux et les aigrettes sont du dernier chic. L’aigrette emprunte son nom aux délicates plumes d’oiseau (l’aigrette, un grand héron) qui la couronnent et que l’on peut parfois changer au gré des occasions. Une légèreté parfaite pour bouger dans les cabarets !

Charles Jacqueau, Coiffe de Maharadjah

Charles Jacqueau, Coiffe de Maharadjah, Vers 1926

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Crayon graphite et gouache sur carton • 54,2 × 47 cm • Coll. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris • © Paris Musées, musée du Petit Palais, Dist. RMN-Grand Palais / image ville de Paris

Cette frivolité découle directement d’une longue tradition royale venue d’Inde. La mode du bijou de tête émerge en effet chez les joailliers au début du XXe siècle. Elle accompagne l’élan oriental porté par Paul Poiret qui habille les femmes de pantalons bouffants et de turbans, accessoire royal dont se paraient les Grands Moghols (1526–1707). Ce turban était ceint d’un sarpech, ornement de tête surmonté d’un jigha, un panache. Sertis de diamants et de rubis, ces panaches de plumes décoraient aussi, sur d’autres rives, les turbans des sultans à Istanbul dont les salles du trésor de Topkapi conservent plusieurs exemples. En Inde, cette tradition va perdurer sous le Raj britannique de 1858 à 1947 et faire l’objet de commandes auprès des joailliers européens. Parmi les plus célèbres témoignages : l’œil du tigre, rare diamant de couleur cognac monté par Cartier en aigrette pour le maharajah de Nawanagar, en 1934.

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Charles Jacqueau, Visage avec un diadème aigrette

Charles Jacqueau, Visage avec un diadème aigrette, vers 1918

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Crayon graphite et gouache sur vélin transparent • 16,7 × 13,5 cm • Coll. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris • © Paris Musées, musée du Petit Palais, Dist. RMN-Grand Palais / image ville de Paris

Sous le crayon des dessinateurs de la maison Cartier, le sarpech moghol fournit un excellent modèle d’inspiration, décliné et réinterprété pour imaginer des aigrettes et des bandeaux en diamants, en émeraudes… Un imaginaire dont le Petit Palais a conservé la trace au travers des planches de dessins de Charles Jacqueau, qui travaille avec Louis Cartier dans l’atelier parisien. Dans les années 1920, les aigrettes aériennes en joaillerie blanche, c’est-à-dire en platine et diamants, spécialité de la maison Cartier, sont plébiscitées par le gotha. Dix ans plus tard, la mode tend à l’épure et aux couleurs franches comme en témoigne la spectaculaire coiffe commandée à Cartier pour le couronnement du roi George VI en 1937 et que l’on peut admirer dans le parcours de l’exposition « Cartier et les arts de l’Islam » au musée des Arts Décoratifs à Paris. Revisitant le sarpech moghol dans une ligne typiquement Art déco, ce diadème met en valeur de remarquables citrines.   

Bracelets pour hommes

Après la tête, les bras ! Les aigrettes et bandeaux ne sont pas les seules pièces à débarquer dans les coffres à bijoux des élégantes de la Café Society. Durant les Années folles, Cartier s’empare des parures de bras, également issues des traditions indo-mogholes, pour les mettre à la mode occidentale. Ces brassards, appelés bazubands en persan, sont connus en Iran et dans l’Inde depuis l’Antiquité. Arborés en haut du bras, aussi bien par des femmes que des hommes qui leur prêtent des vertus protectrices, ils figurent dans les peintures mogholes décrivant la vie de cour et seront portés plus tard par les maharadjahs.

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Cartier Paris pour Cartier Londres, Bracelet haut-de-bras, dit « bazuband »

Cartier Paris pour Cartier Londres, Bracelet haut-de-bras, dit « bazuband », commande de 1922

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Platine, diamants • 14 × 22,3 × 0,2 cm • Collection Cartier • © Nils Herrmann / Cartier

La maison Cartier, qui a noué d’importantes relations en Inde par l’intermédiaire de Jacques Cartier dès 1911, sera fascinée par le mouvement de ces bracelets ! Un défi de souplesse que le joaillier va pousser à son plus haut degré lorsqu’il réalise en 1922 un bazuband en platine et 831 diamants (!) pour Sir Dhunjibhoy Bomanji (1862–1937), magnat de la marine marchande et philanthrope. Trois anneaux (disparus) permettaient d’accrocher le bracelet en haut du bras, et le bijou pouvait aussi se détacher pour être porté en pendentif, en broche ou ornement de corsage. Comble du raffinement et de l’innovation technique, ce bazuband transformable (visible à l’expo « Cartier et les arts de l’Islam ») met en valeur un médaillon central et des fleurons. L’ailleurs n’a jamais été aussi proche de nous.

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Cartier et les arts de l’Islam – Aux sources de la modernité

Du 21 octobre 2021 au 20 février 2022

madparis.fr



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