Académie d’agriculture de France – Communes et municipalités villageoises : pérennité ou obsolescence ?


Communes, municipalités et élus locaux notamment villageois sont l’objet de jugements contradictoires. Ainsi donc plusieurs interrogations subviennent: Quelles sont les caractéristiques du maillage communal ? Comment évolue l’attachement aux élus locaux et à la démocratie locale ? Quel peut être le devenir de cette cellule élémentaire de l’organisation collective française et de la vie rurale ? Le point avec l’Académie d’agriculture de France.

L’enracinement communal et municipal en France depuis plus de deux siècles

À l’origine : une conquête citoyenne et villageoise
Les villages ont été le cadre des tensions et d’une réelle prise de parole villageoise en 1789. Après la Nuit du 4 août, l’Assemblée Nationale Constituante débat de l’organisation territoriale de l’État-Nation, y compris pour rétablir l’ordre. Le résultat est rapide : dès décembre 1789, le cadre législatif est tracé.
La première caractéristique, décisive, tient à ce que les communautés d’habitants deviennent la base de l’organisation2 : environ 41 000 collectivités locales sont créées, ce qui n’allait pas de soi, car beaucoup de députés plaidaient déjà, au nom de l’efficacité, en faveur de grandes entités avec les villes pour centres. Néanmoins, l’Assemblée Constituante décide, le 25 novembre 1789, « [qu’] il y aura des municipalités dans chaque bourg, ville ou village ». La deuxième caractéristique du dispositif est l’élection des conseils généraux de commune au suffrage censitaire masculin, entraînant une forte participation villageoise et une réelle prise en charge des fonctions par des ruraux. […]

Quelques étapes de l’histoire communale française de la Ière à la Ve République
Cet aperçu suggère qu’après l’essai incertain des municipalités de cantons, la continuité l’emporte. Malgré la tutelle des préfets, il ne faut minimiser ni le rôle municipal dans la vie rurale, ni la transaction permanente entre l’État et les habitants exercée par les maires et les notables. […]

Lire aussi article :  Dans les pas d’Hilma af Klint, ces artistes suédois fous d’ésotérisme

Depuis la fin du XXe siècle : fusions de communes et intercommunalité
Après des années de résistances, les regroupements de communes se sont accélérés : alors que jusqu’aux années 2010, le nombre de communes variait peu autour de 37 000, ce nombre est passé au-dessous de 35 000 en 2019, et surtout l’intercommunalité a pris une place croissante. La coopération intercommunale avait été encouragée de longue date, notamment sous la forme de syndicats de communes instaurés par une loi de 1890. […]

Le grand nombre de petites communes : vitalité villageoise ou anomalie ?

Évidemment, la comparaison européenne fait ressortir l’originalité française : un très grand nombre de petites communes (35 000, soit une moyenne de 1 900 habitants par commune), alors que la plupart des pays européens ont appliqué une politique de réduction très volontariste (on compte par exemple moins de 8 100 communes en Italie, ayant une population moyenne de 7 100 habitants, et 2 480 communes en Pologne pour 15 500 habitants en moyenne).
À charge contre la commune villageoise
Le réquisitoire contre la fragmentation française s’appuie sur divers arguments : le territoire communal est trop étriqué pour permettre une politique d’équipement rationnelle (en matière de transports, loisirs, etc.) ; les budgets sont trop limités et les gaspillages sont importants (constructions de salles) ; les questions agricoles ne se règlent guère à cette échelle locale, d’autant moins que de plus en plus d’agriculteurs exploitent hors de leur commune. […]

En faveur de la commune villageoise
La fonction régulatrice du pouvoir municipal perdure. Dans des villages où se mêlent exploitants agricoles, travailleurs des villes, retraités ou résidents secondaires, le conseil municipal constitue la seule instance où les arbitrages délicats peuvent se faire en concertation, par exemple entre espaces constructibles et agricoles, ou entre investissements de voierie et de loisirs. […]

Lire aussi article :  Quels sont les films à voir en VOD cette semaine du 22 au 28 novembre ? - Actus Ciné

Un bilan démocratique incertain. La baisse de la participation aux élections municipales de 2020, avec moins de 44 % de votants, est sans doute en partie due au contexte épidémique. […] Par ailleurs, le recrutement des maires de 2020 montre la large assise sociale de cette fonction, mais aussi l’inégale répartition entre sexes, âges et professions : seulement 20 % des maires sont des femmes (16 % en 2016), tandis que les maires de moins de 30 ans ne constituent que 0,5 % du total.

Les principales observations sont :

  • agriculteurs toujours bien présents dans les villages ;
  • professions à haute qualification dominantes dans les grandes villes (ce sont ainsi les maires de 44 % des Français);
  • nette suprématie numérique des retraités, et faible présence ouvrière.

Entre obsolescence et pérennisation adaptée : quel devenir pour la commune villageoise ?

Deux impasses : l’isolement villageois et les regroupements autoritaires
Il est indéniable que le petit village isolé ne peut plus répondre à tous les besoins d’équipements et de service des populations ; cet isolement risquerait même de favoriser la désertification rurale. Néanmoins, la faible réussite historique des tentatives de fusion imposée, ainsi que le poids du sentiment d’abandon dans les campagnes et le potentiel de rébellion qu’il sous-tend, inclinent à se défier des évolutions contraintes. […]

Les conditions d’une adaptation territoriale réussie ?
Il est urgent d’inscrire le sort de la commune villageoise dans un projet politique clair et global, à la manière de la grande refonte de l’Assemblée Nationale Constituante en 1789. Mais il est important de ne pas donner aux ruraux et à leurs élus l’impression qu’ils sont ignorés, voire bafoués dans leur dignité. […]



Source link