
1. Approche, et la photo sort du cadre
C’est, en quelques années seulement, devenu un événement incontournable de la photographie. Après des perturbations de calendrier liées à la crise sanitaire, le salon Approche s’apprête à rouvrir ses portes, au même moment que Paris Photo au Grand Palais éphémère. Mais à l’inverse des allées bondées des grandes foires, Approche plaide pour une ambiance définitivement plus intimiste et sensible. Dans le cadre somptueux d’un hôtel particulier du 1er arrondissement, ce salon rassemble une dizaine de galeries qui ne présentent qu’un seul artiste – photographe ou plasticien. Répondent présent à cette nouvelle édition : la galerie Binome avec Baptiste Rabichon, la galerie Eric Mouchet avec Matthieu Boucherit ou encore la galerie Bart avec Isabelle Wenzel. Ici, la photographie sort de son cadre pour investir toutes les formes et tous les supports. Un seul mot d’ordre : l’expérimentation !

Baptiste Rabichon, Blue Screen of Death, 2021–2022
Photogramme • 40 × 30 cm • Courtesy Galerie Binome, Paris / © Baptiste Rabichon
Du 10 novembre 2022 au 13 novembre 2022
Gratuit, entrée sur réservation
Le Molière • 40 Rue de Richelieu • 75001 Paris
2. Photo Saint-Germain investit la rive gauche
Autre incontournable de la saison, Photo Saint-Germain reprend ses quartiers sur la rive gauche. Depuis plus de dix ans, ce rendez-vous de la photographie fédère une dizaine de galeries, d’institutions culturelles et de librairies germanopratines. Le parcours, complété par une série d’évènements (rencontres, signatures…) offre un panorama vivant (et vivifiant) de la photographie contemporaine, avec cette année de belles surprises, comme cet étonnant dialogue, au musée Eugène Delacroix, entre les Insolations d’Antoine Henault et les œuvres du maître du romantisme, ou celui orchestré à la galerie Chenel entre des polaroids d’Andy Warhol des années 1970–1980 et des sculptures antiques. Au programme des réjouissances également, un aller simple pour l’Amérique du Sud à travers l’objectif de Gisèle Freund à la maison de l’Amérique latine, ou encore une plongée au cœur de la culture Lowrider aux États-Unis avec Kristin Bedford, à la galerie Catherine et André Hug.

Antoine Henault, « Touristes », photographie issue de la série « Insolations », 2021, Martinique
3. Photo Days : la photo en fête
Petit nouveau dans le paysage des événements photo de l’automne, le festival Photo Days rassemble, depuis 2020, des institutions, des galeries mais aussi des « lieux atypiques » comme des ateliers d’artistes ou encore des restaurants, soit cette année plus d’une centaine de lieux qui tous célèbrent le médium photographique sous toutes ses formes. Nos coups de cœur cette année : les images délicieusement seventies des pionnières de la New Color Photography, Jo Ann Callis et Jan Groover, à la galerie Miranda, le joyeux studio photo de Adama Kouyaté chez Love&Collect, ou encore les visions nostalgiques de Christopher Thomas.

Christopher Thomas, Bittersweet 01, 2022
4. Le rêve américain de Diana Markosian à la galerie des Filles du calvaire
Au bout du tapis rouge, le désert, immensément vide, vertigineux. Ainsi la photographe Diana Markosian traduit-elle, en une image, l’événement qui allait bouleverser à jamais son existence. En 1993, alors que l’URSS s’est effondrée et que la misère s’est installée dans leur quotidien, la mère de la photographe prend la décision de soudain tout plaquer (son mari adultère compris) et de s’exiler avec ses enfants aux États-Unis. Diana a alors seulement 7 ans. C’est cette douloureuse expérience du déchirement qui a lui a inspiré cette série intitulée « Santa Barbara », du nom du feuilleton américain devenu culte, que l’artiste regardait à la télévision lorsqu’elle vivait encore à Moscou. Empruntant une esthétique proche du soap opera, la photographe, qui a engagé des acteurs, raconte l’exil de sa famille, du point de vue de sa mère. Une odyssée profondément intime, qui questionne les fragilités du rêve américain.

Diana Markosian, « The Arrival », photographie issue de la série « America », 2019, Santa Barbara
Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris / © Diana Markosian
Diana Markosian. Santa Barbara
Du 28 novembre 2022 au 17 décembre 2022
Galerie Les Filles du Calvaire • 17 Rue des Filles du Calvaire • 75003 Paris
www.fillesducalvaire.com
5. L’art de « renverser ses yeux » au Jeu de Paume et au BAL
« Avec la photographie, je change d’identité : de spectateur déguisé en peintre, je me retrouve auteur déguisé en spectateur. », se plaisait à dire Giulio Paolini, proche de l’arte povera. Photographie et arte povera : rare ont été les occasions de les associer ! Et pourtant, ce courant né dans l’Italie des années 1960 en réaction au pop art, et défini par Germano Celant comme l’« expression libre liée à la contingence, à l’événement, au présent », est fécond d’images, qu’elles soient fixes ou animées. C’est ce que montrent enfin le Jeu de Paume et le BAL avec une exposition conjointe, dont le titre, qui sonne comme une invitation poétique (« Renverser ses yeux »), est emprunté à une œuvre de Giuseppe Penone. Piero Manzoni, Michelangelo Pistoletto, Franco Vaccari… Le panorama, vaste, rassemble près de cinquante artistes au sein d’un parcours thématique, qui se déploie dans les deux institutions parisiennes.

Vue de l’exposition « Renverser ses yeux » au Jeu de Paume, Paris, 2022
© Jeu de Paume / Photo Antoine Quittet
Renverser ses yeux. Autour de l’Arte Povera 1960-1975 : photographie, film, vidéo – au Jeu de Paume
Du 11 octobre 2022 au 29 janvier 2023
De l’Arte povera (ou « art pauvre »), le plus célèbre mouvement d’art contemporain italien, on connaît surtout les installations de Mario Merz ou les dessins de Giuseppe Penone. Cet automne, le Jeu de Paume s’unit au Bal pour une exposition en deux volets autour des pratiques photographiques et filmiques des artistes italiens. Avec Giulio Paolini, Giovanni Anselmo, Michelangelo Pistoletto…
Jeu de Paume • 1, place de la Concorde • 75008 Paris
www.jeudepaume.org
Renverser ses yeux. Autour de l’Arte Povera 1960-1975 : photographie, film, vidéo – au Bal
Du 11 octobre 2022 au 29 janvier 2023
LE BAL • 6, impasse de la Défense • 75018 Paris
www.le-bal.fr
6. Un automne aux couleurs de Martin Parr
On les pensait irréconciliables, et pourtant ! En 1989, Martin Parr, qui jouit déjà d’une belle notoriété, tente d’intégrer Magnum… et provoque un tollé. L’un de ses mythiques cofondateurs, Henri Cartier Bresson, s’oppose fermement à cette nouvelle recrue, connue pour ses photographies couleur et sans concession de la middle class britannique. Ce n’est que quelques années plus tard, en 1994, après une rencontre amicale entre les deux photographes, que Parr rejoindra finalement la mythique agence photo… C’est sur cette tumultueuse relation que revient la fondation Henri Cartier-Bresson avec l’exposition « Réconciliation », présentant deux visions a priori radicalement différentes de la photographie, mises en perspective avec la récente découverte d’un film intitulé Stop laughing – This is England (1962), pour lequel Henri Cartier-Bresson se moque finalement gentiment, lui aussi, des Anglais dans leur vie de tous les jours… Comme un certain Martin Parr ! À noter que le célèbre photographe anglais est aussi actuellement à l’honneur au Centre culturel irlandais (à partir du 10 novembre) et à la galerie Magnum.

À gauche : Henri Cartier-Bresson, « Usine de confection Burton, Manchester, octobre 1962 » ; à droite : Martin Parr, « Hair salon, Wolverhampton, 2012 »
À gauche : © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos. À droite : © Martin Parr / Magnum Photos
Henri Cartier Bresson avec Martin Parr. Réconciliation
Du 8 novembre 2022 au 12 février 2023
Fondation Henri Cartier-Bresson • 79 Rue des Archives • 75003 Paris
www.henricartierbresson.org
Déjà View. Martin Parr & The Anonymous Project
Du 23 septembre 2022 au 22 décembre 2022
Galerie Magnum Photos • 68 Rue Léon Frot • 75011 Paris
www.magnumphotos.com
L’Irlande de Martin Parr
Du 11 novembre 2022 au 8 janvier 2023
www.centreculturelirlandais.com
Centre culturel irlandais • 5 Rue des Irlandais • 75005 Paris
www.centreculturelirlandais.com
7. Zoe Leonard, photographe entre deux rives
Face au tout numérique, Zoe Leonard fait de la résistance. Depuis ses débuts, cette photographe autodidacte, qui est aussi militante féministe et lesbienne, a toujours privilégié le support argentique noir et blanc, comme pour affirmer son attachement à la matérialité de l’image. Rares sont les occasions de voir son travail – pourtant largement reconnu à l’international – en France. On se réjouit donc de la retrouver au musée d’Art moderne de Paris avec « Al río / To the River », qui nous mène sur les rives du Rio Grande (ou Rio Bravo), mythique fleuve-frontière entre les États-Unis et le Mexique. À la façon d’une grande épopée photographique, l’exposition, construite en séquences, avec un prologue et un épilogue, révèle les questionnements politiques, environnementaux, sociaux et économiques de la région. Les paysages défilent, tantôt grandioses, tantôt hostiles… Toujours éminemment sensibles.

Zoe Leonard, Al río / To the River, 2016 – 2022
Epreuves gélatino-argentiques, tirages C-print, impressions jet d’encre • Courtesy Zoe Lonard, Galerie Gisela Capitain, Cologne, et Hauser & Wirth, Zürich, Londres, Los Angeles
Zoe Leonard. Al río / To the River
Du 15 octobre 2022 au 29 janvier 2023
MAM – Musée d’Art moderne de Paris • 11 Avenue du Président Wilson • 75116 Paris
www.mam.paris.fr
8. La galerie Fisheye voit double

Bénédicte Kurzen et de Sanne de Wilde, Watercolor on Photo #3, 2022
Aquarelles peintes à la main sur papier baryté • 14.85 × 21 cm • © Bénédicte Kurzen et de Sanne de Wilde
Au Nigéria, où l’on compte quatre fois plus de jumeaux que dans le reste du monde, la géméllité fait l’objet d’un véritable culte. Pour les Yorubas, « Ibeji », signifie « double naissance », « les deux inséparables », et est synonyme de parfaite harmonie entre deux êtres. Aujourd’hui vénérés, autrefois pourchassés, les jumeaux sont au cœur du projet commun de Bénédicte Kurzen et de Sanne de Wilde, intitulé Land of Ibeji. À grand renfort de filtres colorés, de reflets miroir ou de double exposition, les jumeaux sont, dans cette série, élevés au rang de figures mythologiques. Fières allégories d’une croyance yoruba selon laquelle chaque homme serait doté sur Terre d’un double spirituel… Mythique !
Du 4 novembre 2022 au 7 janvier 2023
Fisheye Gallery Paris • 2 Rue de l’Hôpital Saint-Louis • 75010 Paris
www.fisheyegallery.fr