7 artistes qui disent la vérité sur la maternité


Longtemps, la maternité nous a été dépeinte au travers des Vierge à l’Enfant, des Visitation, Immaculée conception et autres postures entre béatitude, fertilité, parfois mater dolorosa… Puis, plus tard, sont venues les reines mères, les impératrices posant dans la félicité de donner une dynastie. Suivie de près par la bonne bourgeoisie où, à de rares exceptions, les mères et les enfants aux joues rouges partagent les gènes de la joie. Qu’elles traduisent notre culture judéo-chrétienne ou qu’elles servent d’emblème de pouvoir et de réussite sociale, la représentation de la maternité en histoire de l’art – exercice dominé par des hommes – a peu évolué pendant des siècles. Jusqu’à ce que de récentes expositions et rétrospectives creusant le destin des femmes dans les arts plastiques (on citera actuellement « Pionnières » au musée du Luxembourg ou la future rétrospective consacrée à Alice Neel au Centre Pompidou) ne mettent en pleine lumière un regard sur le fait d’être mère. Une réalité non édulcorée !

1. Marie-Nicole Vestier prise entre le berceau et le pinceau

Marie-Nicole Vestier, L’auteur à ses occupations

Marie-Nicole Vestier, L’auteur à ses occupations, 1793

La fin de l’Ancien Régime ouvre une parenthèse enchantée aux femmes peintres qui s’affirment publiquement, participent aux Salons officiels, obtiennent des commandes importantes. Elles sont aussi à l’Académie royale de peinture et de sculpture, telles Elizabeth Louise Vigée Le Brun et Adélaïde Labille-Guiard… Derrière leur chevalet, les femmes font désormais carrière ! Palette et pinceaux dans une main, l’autre appuyée sur le couffin d’Antoine, son deuxième enfant, Marie-Nicole Vestier, elle-même fille de peintre et petite-fille d’émailleur, revendique sans ambages son statut de mère et artiste. Voilà qui tombe pile en 1793, alors que la Société populaire et républicaine des arts s’interroge sur la possibilité de laisser les femmes y adhérer tout en continuant à tenir leur maison.

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2. Paula Modersohn-Becker, la grossesse à nu

Paula Modersohn-Becker, Autoportrait à l’occasion de son 6ème anniversaire de mariage

Paula Modersohn-Becker, Autoportrait à l’occasion de son 6ème anniversaire de mariage, 1906

C’est le grand sujet de Paula Modersohn-Becker. Bien avant d’être elle-même enceinte – ce qui ne se produira qu’un an avant sa mort –, elle s’intéresse au corps de la femme et en livre sa vision très personnelle, permettant au spectateur de pénétrer dans une intimité à laquelle il n’a jamais accès : la relation, charnelle, entre la mère et son nourrisson. Pour Marie Darrieussecq, auteure d’une biographie consacrée à Paula Modersohn-Becker, la peintre allemande offre une des premières images modernes de la maternité : « Ces femmes ne sont ni des madones ni des putains. Ce sont des femmes qui allaitent, qui sont souvent fatiguées. Mais jamais le regard porté sur elle ne se fait misérabiliste. Dans ces tableaux, il y a une façon très forte de donner à voir la présence au monde, dénuée de tout jugement. »

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Être ici est une splendeur. Vie de Paula M.Becker

Par Marie Darrieussecq

3. María Blanchard, les couleurs du baby-blues

La vie domestique n’est pas toujours pavée de rose. Elle donne aussi des cernes aux yeux et elle blanchit les cheveux. Sans fard mais en usant de sa palette de couleurs si singulière taillée à ses débuts dans le cubisme, María Blanchard (1881–1932) réinterprète la maternité en ne cachant rien des ombres au tableau. Sous le pinceau de l’Espagnole de l’École de Paris, le bébé est repu mais la mère est triste, le tout, à l’arrière-plan, sur un fond drapé bleu, couleur virginale.

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Maria Blanchard, Maternité

Maria Blanchard, Maternité, 1921

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© La Piscine, Musée d’art et d’industrie André Diligent – Mairie de Roubaix

4. Alice Neel, du deuil à la dépression

Si vous êtes ici dans une pouponnière digne d’un cauchemar c’est parce que ce tableau, peint de mémoire par l’Américaine Alice Neel, deux semaines après la naissance de son deuxième enfant, réveille un traumatisme. Un an plus tôt, sa première fille, Santillana, venait de mourir. La peintre se montre au centre du tableau, à l’extrême droite, avec sa deuxième fille Isabetta dans une clinique du Bronx, à New York. Après l’expérience douloureuse de la perte de son nouveau-né, les sentiments dépressifs exacerbés d’Alice hantent cet intérieur psychologiquement chargé.

5. Louise Bourgeois, la magie de la vie

On connaît sa mère, tisserande de métier, qu’elle a sculptée en une immense araignée protégeant ses petits. À la fin de sa vie, Louise Bourgeois a consacré toute une série à la gouache rouge rosé autour des thèmes de la maternité. Rencontre amoureuse, procréation, grossesse, naissance, allaitement sont des scènes répétées dans l’expérience de l’enfantement qui se prête à merveille aux déclinaisons, aux variations. Louise Bourgeois trace sur papier le cycle de la vie. Certains dessins serviront de point de départ à des sculptures en tissu et des collages.

6. Mary Kelley, une fresque post-partum

Artiste féministe, Mary Kelley s’est fait connaître dans les années 1970 avec des œuvres conceptuelles documentant la grossesse et l’éducation des jeunes enfants. Son travail le plus fameux et novateur retrace sa vie de jeune maman (1973–1979) en six parties et 139 pièces – visite chez le pédiatre, tableaux des repas pris, transcription de conversation avec son fils, et même des couches encore pleines d’excréments… (ce qui choqua bien évidemment). Une rencontre entre l’artiste et sa propre maternité, sur fond des théories lacaniennes, qui dessine une fresque universelle.

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Mary Kelley, Post-partum document : Introduction (détail)

Mary Kelley, Post-partum document : Introduction (détail), 1973–79

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© Mary Kelley / Photo DR

7. Miriam Kahn, l’accouchement en face

Elle est l’une des artistes contemporaines qui parle le mieux du corps féminin, une matière qu’elle triture jusqu’à exploiter le sien en chair et en os dans des performances vidéo. Avec crudité, Miriam Kahn nous place face à une réalité qui nous est souvent cachée « le plus beau jour de notre vie » : la naissance d’un enfant. Les traînées de couleur dont elle a le secret se font ici mare de sang qui rougit l’ensemble du tableau. Entre les cuisses de la mère dont les traits se tordent, le nouveau-né est encore attaché par un cordon ombilical.

Miriam Cahn, L’accouchement

Miriam Cahn, L’accouchement

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Courtesy Galerie Jocelyn Wolff. Photo François Doury



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