48 heures à Philadelphie, capitale artistique de l’Est américain


Jour 1. 9h – Dans les rues, du street art pour s’approprier la ville

C’est l’histoire d’une reconquête. Philadelphie a longtemps souffert de graffitis invasifs, plus proches du vandalisme que de l’expression artistique. Dans les années 1980, le premier maire noir de la ville – Wilson Goode – décide de prendre le taureau par les cornes et impulse le Mural Arts Festival, structure mi-publique, mi-associative, qui permet la production d’immenses fresques partout en ville, souvent en collaboration étroite avec les habitants. Aujourd’hui, impossible de se balader sans tomber sur de vastes peintures sur les hauteurs des façades ou sur les murs des parkings à ciel ouvert… Shepard Fairey, star de l’affiche de campagne de Barack Obama, signe une très belle composition à voir dans le centre, Amy Sherald s’empare d’un mur immense pour y portraiturer sur fond bleu une jeune femme noire de Philadelphie… Notre préférée ? Un paysage de David Guinn, peint comme à l’aquarelle devant un jardin communautaire, sur une vieille façade en briques – d’une douceur et d’une poésie qui illuminent le cœur. Bon à savoir : des visites guidées sont organisées par Mural Arts, et permettent de découvrir la ville autrement.

David Guinn, Garden of Delight

David Guinn, Garden of Delight, 2010

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œuvre réalisée dans le cadre du City of Philadelphia Mural Arts Program, au 203 South Sartain Street • © Photo Steve Weinik

Le 22 octobre 2022 de 14h à 16h

Gratuit

Love Park, Arch Street, Philadelphie, PA, États-Unis

https://www.muralarts.org/

11h – Un tour dans le quartier historique

Philadelphie est hérissée de gratte-ciels en métal et en verre (saviez-vous que c’est justement à l’emploi du métal que l’on reconnaît les premiers skyscrapers ?), mais pas que. Dans le sud-est de la ville s’étend un quartier historique aux dimensions européennes : maisons et immeubles bas en briques, volets colorés, jolies terrasses de cafés, avenues arborées… On se croirait en Hollande ! Une balade y est indispensable – surtout si vous souhaitez voir de près le tout premier hôpital construit aux États-Unis (sur Pine Street), le joli cimetière arboré de l’église St. Peter (même rue), ou encore les très étonnants Magic Gardens (South Street). Ceux-ci ont été façonnés au fil des jours par un certain Isaiah Zagar, propriétaire dans les années 1960 d’une galerie d’art populaire, et qui a façonné un vaste environnement immersif tout en tessons de mosaïques, bouteilles en verre et objets trouvés. L’artiste, pas si fou, y a aussi inclus des sculptures d’art populaire de sa collection, comme des figurines mexicaines, que l’on déniche jusqu’en haut des murs. Spectaculaire !

Magic Gardens, Philadelphie

Magic Gardens, Philadelphie

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Philadelphia’s Magic Gardens

13h – Déjeuner au marché couvert et rencontre avec William Penn

« Philly » possède l’un des plus anciens marchés aux États-Unis : ouvert en 1893, le Reading Terminal Market offre la possibilité d’une pause midi déjeuner et amusante. Entre les échoppes de cheese steak (la spécialité locale : du bœuf mélangé à du fromage entre deux tranches de pain), de sandwichs au pastrami, de donuts couverts de glaçages affriolants ou de charcuterie à la découpe, difficile de choisir… Mais le plaisir – et le dépaysement ! – sont immenses. Juste après le déjeuner, on file au City Hall, centre névralgique riche d’une anecdote savoureuse : construit à la fin du XIXe siècle sur le modèle de notre hôtel de ville parisien, le bâtiment est surmonté d’une tour et d’une sculpture figurant William Penn (1644–1718, fondateur de la ville), qui se trouve être la plus haute du monde au sommet d’un édifice. En 1987, est construit le premier gratte-ciel qui dépasse le pauvre William… et plonge la ville dans une malédiction qui lui ferait perdre toutes ses équipes de sport. Depuis 2007, pour rompre le sort, un petit William Penn est placé sur les édifices les plus hauts, histoire de ne pas chatouiller la susceptibilité de l’importante figure. Prolongez votre visite du centre par un œil au temple maçonnique, juste en face du City Hall et fierté architecturale de la ville, ainsi qu’au gigantesque pinceau installé en 2011 par Claes Oldenburg devant l’école d’art.

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L’Hôtel de Ville de Philadelphie et l’intérieur du temple maçonnique

L’Hôtel de Ville de Philadelphie et l’intérieur du temple maçonnique

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© Photo K. Huff / PHLCVB

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Reading Terminal Market

1136 Arch St, Philadelphia, PA 19107, États-Unis

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Philadelphia City Hall

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Temple maçonnique de Philadelphie

15h – Enfin, la fondation Barnes !

Elle fête ses cent ans ! Car c’est l’une des plus importantes des États-Unis, une après-midi entière à la fondation Barnes s’impose. Le nouveau bâtiment qui l’abrite est en lui-même remarquable : dessiné en 2012 par le duo Tod Williams et Billie Tsien, il est entouré d’un bassin et d’un petit parc du plus bel effet. Le plus fou, c’est que ses lignes contemporaines ne laissent en rien deviner l’étonnant dispositif des collections permanentes, dont les petites salles à l’accrochage ultra-chargé renvoie à celui, original, du fondateur Albert C. Barnes (1872–1951)… Ainsi s’accumulent au fil des pièces 181 toiles de Renoir, 69 de Cézanne, 59 de Matisse (dont une fresque), 46 signées Picasso, etc, etc. De quoi faire perdre la tête à tout amateur de peinture du XIXe siècle ! De cet entrepreneur en produits pharmacologiques, on retiendra aussi la collection de sept peintures de Van Gogh, dont deux inoubliables portraits qui captivent immédiatement l’œil malgré la profusion, Le Postier (Joseph-Étienne Roulin) (1889) et Le Fumeur (1888), ainsi qu’une Nature morte (1888) dont les citrons gourmands émeuvent singulièrement.

La Fondation Barnes

16h30 – La folie Modigliani

Pour son centième anniversaire, Barnes s’offre Amedeo Modigliani (également bien présent dans ses collections) sur un plateau. Le flamboyant Amedeo, mort à 35 ans, inspire cette exposition qui se veut mémorable, en ce qu’elle a réuni des experts de la Barnes et de la Tate dans l’étude approfondie de certains de ses chefs-d’œuvre. Sculptures et peintures côtoient ainsi des radiographies d’œuvres, qui en disent long sur sa technique, ses repentirs, ses matériaux. L’idée excitera sans doute davantage les spécialistes que le grand public, mais la réunion est superbe : Barnes a été l’un des premiers collectionneurs de l’artiste aux États-Unis (douze sculptures et une peinture), et cinquante prêts internationaux complètent le panorama. On s’arrêtera notamment devant un autoportrait d’un brun chaud (1919) venu de São Paulo, une séduisante Amazone (1909) d’une collection privée, un nu ultra-sensuel (1917) du Guggenheim ou encore un très émouvant portrait de Jeanne Hébuterne enceinte, habillée de bleu ciel (1919), du Metropolitan Museum. De quoi bouleverser longuement… Jusqu’au dîner, au moins, que l’on passera au restaurant italien Gran Caffe L’Aquila (on reste un peu avec Modigliani !), célèbre pour ses pâtes fraîches et ses glaces délicieuses.

Exposition Modigliani Up Close à la Fondation Barnes

Exposition Modigliani Up Close à la Fondation Barnes

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© Photo J. Ryan / PHLCVB

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Restaurant italien : Gran Caffe L’Aquila

1716 Chestnut St, Philadelphia, PA 19103, États-Unis

Jour 2. 10h – Cap sur le Philadephia Museum of Art

Et si, après avoir gobé plusieurs œufs crus, on allait à l’aube grimper en courant les marches du Philadelphia Museum of Art ? Pas convaincus ? Pourtant, c’est le rituel de Sylvester Stallone dans Rocky (1976), rappelé dès l’entrée du musée par une sculpture du célèbre boxeur (offerte par l’acteur lui-même) et deux traces de ses Converses au sol. Les amateurs d’art trouveront sans doute davantage leur bonheur à l’intérieur de ce musée tentaculaire, aux collections extrêmement variées. Bien sûr, on y trouve de l’art américain : une nature morte silencieuse d’Andrew Wyeth (Groundhog Day, 1959), du mobilier ancien, une tendre mise en scène maternelle de Mary Cassatt… Mais aussi, encore une fois, beaucoup d’artistes des XIXe et XXe siècles européens (Toulouse-Lautrec, Cézanne, Picasso, Duchamp), d’impressionnantes collections asiatiques installées dans un décor immersif, une magnifique crucifixion réalisée par Rogier van der Weyden autour de 1460 (l’un des chefs-d’œuvre du musée), quelques sculptures contemporaines dans le parc (Claes Oldenburg, Ellsworth Kelly, Gordon Gund)… De quoi perdre la tête !

Le Philadelphia Museum of Art / La statue de Rocky

Le Philadelphia Museum of Art / La statue de Rocky

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© photo Scott Spitzer / PHLCVB / © Photo Kyle Huff / PHLCVB

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La sculpture de Rocky devant le Philadelphia Museum of Art

2600 Benjamin Franklin Pkwy, Philadelphia, PA 19130, États-Unis

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Philadelphia Museum of Art

11h30 – Matisse en liberté

En 1930, Henri Matisse (1869–1954) se rend à la fondation Barnes pour étudier le site et finaliser la commande que lui a passée son fondateur. Il imagine une danse tout en aplats de couleurs, féminine et sensuelle, emblématique de son style d’alors. L’œuvre, qu’on aura pu contempler la veille dans son écrin architectural, a donné envie au Philadelphia Museum of Art de pousser plus loin l’étude des années 1930 de l’artiste français en leur consacrant une exposition entière. Aidée dans sa tâche par les musées Matisse de Nice et de l’Orangerie à Paris, l’institution réunit nombre des dessins préparatoires à la grande fresque, mais aussi des poèmes de Mallarmé illustrés par Matisse, des cartons de tapisserie inspirés par le port de Papeete à Tahiti, un film autour de sa collaboration avec le directeur artistique du Ballet russe de Monte-Carlo, Léonide Massine, des dessins de femmes et de fleurs qui défient l’arrivée maussade de la Seconde Guerre mondiale… Et nous parlent d’un artiste immense, sûr de son succès, à la ligne de plus en plus épurée. Une autre exposition est à voir en ce moment, de dessins de Giuseppe Penone (né en 1947).

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Matisse in the 1930s

Jusqu’au 29 janvier 2023

philamuseum.org

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River of Forms: Giuseppe Penone’s Drawings

Jusqu’au 26 février 2023

philamuseum.org

13h – Un détour contemporain !

Remarquable pour ses collections d’art ancien et impressionniste, Philadelphie possède également quelques atouts contemporains. Citons le flambant neuf Clay Studio, entièrement dédié à la céramique et inauguré cette année dans un bâtiment signé DIGSAU Architects : le lieu réunit une galerie de céramiques contemporaines, une boutique de créateurs américains (impossible de ne pas craquer pour une tasse sérigraphiée façon bande dessinée par Ian Petrie, ou un bol émaillé de fleurs évanescentes !) et des ateliers de production. N’oublions pas non plus l’Institute for Contemporary Art, pas immense mais très accueillant (les gardiens de salle viennent spontanément vous expliquer les œuvres), et qui propose en ce moment une fascinante exposition de la Norvégienne Sissel Tolaas (née en 1959) autour des odeurs, où l’on passe son temps à sentir – des cailloux, des murs, des flacons… Et pour le déjeuner ? Rendez-vous chez McGillin’s Olde Ale House, la plus ancienne taverne de la ville, pour un menu rustique dans une ambiance très chaleureuse.

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Institute of Contemporary Art

Du 16 septembre 2022 au 30 décembre 2022

icaphila.org

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McGillin’s Olde Ale House

1310 Drury St, Philadelphia, PA 19107, États-Unis

15h – Une escapade en Pennsylvanie

Soyons fous, soyons Américains, louons une voiture démesurée pour passer une tête en Pennsylvanie. Tantôt très urbanisée, tantôt charmante (n’hésitez pas à pousser jusque dans le Delaware, où s’enchaînent maisons typiques et les arbres roux de ce bel été indien), la campagne est surtout riche en surprises… Comme le Brandywine Museum of Art, remarquable pour ses collections d’art américain et notamment de la famille Wyeth : Newell Convers Wyeth (1882–1945), illustrateur bien connu de L’Île au trésor de Robert Louis Stevenson, Andrew Wyeth (1917–2009), peintre majeur, spécialiste de la technique ancienne de la tempera, et enfin Jamie Wyeth (né en 1946), digne héritier de ses aïeux. En ce moment, une fascinante exposition temporaire interroge l’arrangement curieux des motifs naturels chez Jennifer Angus, Mark Dion, Courtney Mattison et James Prosek. À cinq minutes en voiture de là, l’atelier de Newell Convers Wyeth a été conservé dans son jus et s’admire gratuitement de l’extérieur, sa grande verrière ouvrant sur un bazar d’artiste parfaitement conservé. Enfin, pour terminer la journée en beauté, rendez-vous aux Longwood Gardens : ces jardins historiques, transformés en parc d’expositions horticoles géant par l’entrepreneur Pierre S. du Pont (1870–1954), donnent à voir à la fois des parterres de chrysanthèmes, de spectaculaires bonzaïs et, à la nuit tombée, un spectacle de fontaines illuminées. Une démesure et un kitsch assumés, quintessence d’un rapport à la nature très américain, fondé sur le spectaculaire, l’esprit pionnier et… une bonne dose de musique pop. D’une bonne humeur contagieuse – mais quid de la sobriété écologique ?

HEMIS M06BHR

public domain sourced / access rights from Cultural Archive / Alamy Stock Photo

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Brandywine Museum of Art

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Fragile Earth: The Naturalist Impulse in Contemporary Art

Du 24 septembre 2022 au 8 janvier 2023

www.brandywine.org

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Andrew Wyeth Studio

1001 Longwood Rd, Kennett Square, PA 19348, États-Unis

Ouvert tous les jours de 10h à 23h sauf le mardi

https://longwoodgardens.org/

The Logan Philadelphia, Curio Collection by Hilton

One Logan Square, Philadelphia, PA 19103, États-Unis

À Philadelphie, le Logan (5 étoiles) est parfaitement placé : à cinq minutes à pied du City Hall, dix de la fondation Barnes, il possède une piscine, une salle de sport, un rooftop à la vue panoramique, un restaurant et de vastes chambres aux lits immenses, où l’on trouve un repos bien mérité.

https://www.hilton.com/en/hotels/phlqqqq-the-logan-philadelphia/?SEO_id=GMB-AMER-QQ-PHLQQQQ&y_source=1_Mjg1Njc0NC03MTUtbG9jYXRpb24ud2Vic2l0ZQ%3D%3D

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Comment s’y rendre ?

Vols quotidiens et directs depuis Paris-Charles de Gaulle par la compagnie American Airlines, à partir de 380 €





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